Le Festival international de la BD d’Angoulême vient d’annoncer la création d’un nouveau prix pour 2022, un « Fauve » consacré à la meilleure BD écologiste.
Or il existe depuis un quart de siècle un prix de la meilleure BD écolo de l’année, décerné lors du Festival d’Angoulême (y compris l’an dernier alors que le festival était annulé). C’est le prix Tournesol.
Il a été notamment attribué, pour ne citer que les plus connus, à des dessinateurs comme Jean-Claude Mézières, René Follet, Joe Sacco, Etienne Davodeau, Luz, Manu Larcenet, Léo, Cyril Pedrosa, Christian Binet, Derf Backderf, Martin Veyron, Nakazawa, Keko ou Tom Tirabosco ; ainsi qu’à des scénaristes comme Pierre Christin, Makyo, Corbeyran, Antonio Altarriba… Un palmarès éloquent.
Son jury, qui varie chaque année, a été notamment présidé par de grandes personnalités de l’écologie comme Dominique Voynet, Dany Cohn-Bendit, Noël Mamère, Alain Lipietz, Marie-Christine Blandin, Yves Cochet, Cécile Duflot, Yannick Jadot, Eva Joly, Karima Delli, Sandrine Rousseau, Léonore Moncond’huy… Outre de nombreux artistes-auteurs engagés en écologie, ce jury a associé aussi des organisations ou publications écolos notoires comme Greenpeace, Agir pour l’environnement, Femmes & changement, Eco-Rev, Droit au logement, BD sans frontières, L 214, la Fondation pour l’écologie politique, Silence… Sans oublier des journalistes spécialisés, ou des sympathisants comme François Rollin, Juliette, Bernard Haller, Benoît Delépine…
Il semblait que l’écologie était largement mise en valeur depuis 1997 par ce prix international (car la Belgique et la Suisse francophones y sont associées). C’était compter sans l’opportunisme ambiant, qui veut que tous ceux jamais impliqués jusque là dans le plus grand enjeu citoyen de la planète, aient besoin de s’acheter un brevet d’écologie, à l’image des « résistants de la dernière heure » en 1945. La mode est à l’écologie, nouveau créneau commercial, où s’enfournent les opportunistes du monde entier, surtout ceux qui ont quelque chose à vendre. On appelle ça le « greenwashing ».
.Depuis 25 ans, l’écologie est récompensée au Festival d’Angoulême en « off », donc indépendamment des pressions éditoriales, commerciales ou politiques. Au moment où, de Mélenchon à Zemmour, de Hidalgo à Macron, de Pécresse à Marine Le Pen, chacun se proclame plus écolo que les écolos sur le terrain depuis 40 ans, il n’est pas un industriel, un syndicat agricole, une société de chasse, qui ne prétende sauver la planète qu’ils ont contribué à saccager depuis toutes ces années. Dans le monde de l’entreprise c’est à qui sera plus vert que l’autre, tout en continuant pour la plupart leurs pratiques anciennes qui ont conduit au désastre écologique que nous vivons.
Alors, le Festival lui aussi se doit de surfer sur cette vague pour rester dans le vent. Nous croirions à la sincérité de cette initiative si elle avait été prise quand ce n’était pas un gadget à la mode. Mais aujourd’hui, ce n’est de la part du FIBD qu’une indélicatesse vis à vis du Tournesol et un mépris pour l’action des écologistes.
Bien pire : c’est aussi une imposture qui vise à tromper le public, à faire passer pour écologistes ceux qui ne veulent que l’entraver. En témoigne dans la première sélection la présence d’un album qui incarne de façon magistrale cette imposture : »Le monde sans fin », scénarisé par le porte-plume de tous les nucléocrates, courtisé des grosses entreprises polluantes, Jean-Marc Jancovici. Après un plaidoyer climatique, il termine l’album par un panégyrique du nucléaire, dont on se demande comment un Christophe Blain a pu mettre son immense talent au service d’une cause aussi falsificatrice.
Je ne sais si cette initiative est une idée de l’équipe du festival, du sponsor, ou si elle leur a été « suggérée ». Ce qui est certain, c’est que ce prix est avant tout une opération politique. Le Tournesol, qui s’est imposé à Angoulême depuis des années, effraie ses adversaires, surtout en période électorale. Ce Fauve carnassier est destiné à faire disparaître le Tournesol trop critique des intérêts des dominants. Les « écolos de la dernière heure » ne veulent aucun bien à l’écologie, il s’agit ici de la rendre inoffensive, puisque intégrée dans le gloubiboulga des multiples prix du Salon au service des sponsors (Caisse d’épargne, SNCF, Raja, etc.) Doit-on avoir un prix officiel par sponsor ? Quelle crédibilité peut-on accorder au prix d’un sponsor ? Qui sera le sponsor du prochain prix ? Total ? Engie ? Bolloré ? Le compteur Linky ? Les tanks Lagardère ? Les paris sont tout verts et les Fauves sont lâchés ! Alors, méfiez-vous des imitations !
Yves Frémion
fondateur et animateur du Tournesol
Le 25° prix Tournesol de la BD écolo, le vrai, devait être décerné le vendredi 28 janvier 2022, à 17 h 30, au Point carré, rue Raymond Poincaré (Champ de Mars), en présence du jury présidé par Yannick Jadot. Mais le report du festival en a décidé autrement.
Papiers Nickelés a publié le communiqué suivant :
Le prix Tournesol sera décerné à la période prévue mais à Paris
Le report du Festival de la BD d’Angoulême a perturbé l’organisation de ce qu’il s’y passe ordinairement en « off ». C’est le cas du prix Tournesol de la meilleure BD écolo de l’année, décerné depuis 25 ans. Les organisateurs du prix ont décidé d’en maintenir l’annonce, mais elle se fera le 5 février (et non le 28 janvier comme prévu, pour raison de planning du président du jury). Le lieu et l’heure précise en seront bientôt communiqués. Il est envisagé une retransmission en visio à Angoulême. Rappelons que 8 albums sont en compétition et que le jury paritaire est présidé par Yannick Jadot, candidat à la Présidentielle.